Nouvelliste du 13 novembre 2014
Avant-première dans le Nouvelliste
Atelier Critique de l'UNIL
Poésie d’outre-tombe
Par Deborah Strebel
Une critique du spectacle :
Modus Operandi / par la Cie Héros Fourbus / conception et mise en scène Danièle Chevrolet et José-Manuel Ruiz / Petithéâtre de Sion / du 15 au 25 mai 2014 / plus d’infos
Un médecin légiste loufoque et charmeur assisté par une énergique infirmière procèdent à une autopsie en direct. Effusion sanguine modérée, organes prélevés en quantité limitée, l’examen ne s’avère pas aussi répugnant qu’imaginé ni aussi scientifique que normalement. Peu à peu, ce n’est plus la chair qui est extraite pour être inspectée mais différents fragments de vie. La poésie prend ainsi le dessus sur le macabre pour mettre à nu toute une existence.
Au centre d’une pièce aux allures de chambre froide, un corps blême est étendu sur une table à roulette. Mais contre toute attente, l’homme respire. Son ventre se soulève au rythme de ses inspirations. Branché à une machine, il est tenu artificiellement en vie. Soudain, un homme de ménage bossu entre dans la salle et commence son travail. En dépoussiérant le matériel, il arrache maladroitement la prise de l’appareil, mettant ainsi fin aux jours du patient. Après un constat de décès en bonne et due forme commence une poétique autopsie en direct.
Plus proche d’une étrange manière de faire connaissance avec un individu lambda que d’une réelle dissection post mortem, l’autopsie n’a rien de dégoûtant. Débarrassée de toute connotation morbide, elle se révèle fantaisiste et même parfois drôle. Les instruments médicaux sont notamment remplacés par des ustensiles du quotidien. Ainsi le médecin légiste empoigne une pince à spaghetti quand il n’extrait pas les intestins à l’aide d’une simple ventouse domestique. Et surtout, ce ne sont pas uniquement des boyaux qui sont prélevés mais aussi des indices au sujet de l’existence du défunt. Petit à petit, le public découvre des images évoquant des instants vécus, des atmosphères, des sensations. Le cadavre devient une sorte de boîte à trésors de laquelle sont retirés des souvenirs qui ne nous appartiennent pas. L’analyse scientifique fait place à la découverte de l’autre.
Spectacle presque dénué de paroles : l’accent porte sur le visuel. La musique vient accompagner cette chorégraphie poético-scientifique afin de renforcer les dimensions émotionnelles. Parfois enjouée, elle aide à dessiner des sourires sur les visages des spectateurs lors des moments burlesques de dépeçage. Parfois lente et teintée de mélancolie, elle véhicule de tristes sentiments à l’évocation nostalgique de certains souvenirs. En plus de l’impact émotionnel qu’elle exerce, la musique permet de suggérer des espaces supplémentaires en diffusant différents bruits, autant d’échos retentissant au loin.
Étroite collaboration entre musiciens (Françoise et Stéphane Albelda), et créateurs (Danièle Chevrolet et José-Manuel Ruiz), cette pièce propose un univers fantasmagorique et quelque peu décalé. Créée en 1997, la compagnie Héros Fourbus s’est spécialisée dans l’élaboration et la diffusion de spectacles de marionnettes pour tout public. Dans cette nouvelle création, cette fois-ci destinée aux adultes, acteurs et marionnettes se mélangent pour créer des personnages forts et proposer non pas un examen sur les causes de la mort d’un défunt, comme le titre pourrait le laisser penser mais une enquête sur la vie d’un disparu. Le mode opératoire, proposé en cette deuxième partie du mois de mai à Sion, consiste donc en une étonnante exploration intense de morceaux choisis d’existence. A la fin de l’expérience, une seule question résonne dans les esprits : finalement pourquoi attendre nécessairement la mort d’un être pour s’intéresser à lui ?
Par Deborah Strebel
Une critique du spectacle :
Modus Operandi / par la Cie Héros Fourbus / conception et mise en scène Danièle Chevrolet et José-Manuel Ruiz / Petithéâtre de Sion / du 15 au 25 mai 2014 / plus d’infos
Un médecin légiste loufoque et charmeur assisté par une énergique infirmière procèdent à une autopsie en direct. Effusion sanguine modérée, organes prélevés en quantité limitée, l’examen ne s’avère pas aussi répugnant qu’imaginé ni aussi scientifique que normalement. Peu à peu, ce n’est plus la chair qui est extraite pour être inspectée mais différents fragments de vie. La poésie prend ainsi le dessus sur le macabre pour mettre à nu toute une existence.
Au centre d’une pièce aux allures de chambre froide, un corps blême est étendu sur une table à roulette. Mais contre toute attente, l’homme respire. Son ventre se soulève au rythme de ses inspirations. Branché à une machine, il est tenu artificiellement en vie. Soudain, un homme de ménage bossu entre dans la salle et commence son travail. En dépoussiérant le matériel, il arrache maladroitement la prise de l’appareil, mettant ainsi fin aux jours du patient. Après un constat de décès en bonne et due forme commence une poétique autopsie en direct.
Plus proche d’une étrange manière de faire connaissance avec un individu lambda que d’une réelle dissection post mortem, l’autopsie n’a rien de dégoûtant. Débarrassée de toute connotation morbide, elle se révèle fantaisiste et même parfois drôle. Les instruments médicaux sont notamment remplacés par des ustensiles du quotidien. Ainsi le médecin légiste empoigne une pince à spaghetti quand il n’extrait pas les intestins à l’aide d’une simple ventouse domestique. Et surtout, ce ne sont pas uniquement des boyaux qui sont prélevés mais aussi des indices au sujet de l’existence du défunt. Petit à petit, le public découvre des images évoquant des instants vécus, des atmosphères, des sensations. Le cadavre devient une sorte de boîte à trésors de laquelle sont retirés des souvenirs qui ne nous appartiennent pas. L’analyse scientifique fait place à la découverte de l’autre.
Spectacle presque dénué de paroles : l’accent porte sur le visuel. La musique vient accompagner cette chorégraphie poético-scientifique afin de renforcer les dimensions émotionnelles. Parfois enjouée, elle aide à dessiner des sourires sur les visages des spectateurs lors des moments burlesques de dépeçage. Parfois lente et teintée de mélancolie, elle véhicule de tristes sentiments à l’évocation nostalgique de certains souvenirs. En plus de l’impact émotionnel qu’elle exerce, la musique permet de suggérer des espaces supplémentaires en diffusant différents bruits, autant d’échos retentissant au loin.
Étroite collaboration entre musiciens (Françoise et Stéphane Albelda), et créateurs (Danièle Chevrolet et José-Manuel Ruiz), cette pièce propose un univers fantasmagorique et quelque peu décalé. Créée en 1997, la compagnie Héros Fourbus s’est spécialisée dans l’élaboration et la diffusion de spectacles de marionnettes pour tout public. Dans cette nouvelle création, cette fois-ci destinée aux adultes, acteurs et marionnettes se mélangent pour créer des personnages forts et proposer non pas un examen sur les causes de la mort d’un défunt, comme le titre pourrait le laisser penser mais une enquête sur la vie d’un disparu. Le mode opératoire, proposé en cette deuxième partie du mois de mai à Sion, consiste donc en une étonnante exploration intense de morceaux choisis d’existence. A la fin de l’expérience, une seule question résonne dans les esprits : finalement pourquoi attendre nécessairement la mort d’un être pour s’intéresser à lui ?
De chair et de souvenirs
Par Sabrina Roh
Une critique du spectacle :
Modus Operandi / par la Cie Héros Fourbus / conception et mise en scène Danièle Chevrolet et José-Manuel Ruiz / Petithéâtre de Sion / du 15 au 25 mai 2014 / plus d’infos
La Cie Héros Fourbus propose une incursion dans le monde aseptisé de la salle d’autopsie et dans les mystères de l’être humain. Modus Operandi souligne la dure réalité de la mort en pointant la nostalgie du passé. Un spectacle poétique et émouvant, joué en ce moment au Petithéâtre à Sion.
Dans un rectangle blanc délimité par des bâches en plastique qui floutent le monde environnant, une vingtaine de spectateurs tentent de choisir la place idéale. Que va-t-il arriver, quand et de quel côté ? Rien ne l’indique. Seule gît, au milieu de la pièce, une marionnette sur un lit d’hôpital. Son torse se soulève imperceptiblement au rythme de sa respiration.
Dans Modus Operandi, le public est invité à suivre l’autopsie d’un homme. Parce que la machine qui le maintenait en vie a été débranchée malencontreusement par le concierge de l’établissement, l’alarme se met en route. Arrive alors une infirmière au comportement bipolaire : tantôt elle arrache les fils et les sondes sans grande précaution, tantôt elle caresse avec des gestes d’une extrême douceur la marionnette. Le médecin chef et elle commencent ensuite une dissection à la scie et à la pince. De l’homme mort, cependant, ne sortiront pas seulement des boyaux et autres organes, mais aussi des souvenirs. La Cie Héros Fourbus, composée de Danièle Chevrolet et José-Manuel Ruiz, propose depuis 2007 des spectacles de marionnettes tout public et d’autres pour adultes. A chaque fois, à partir de textes originaux ou d’adaptations, ils créent un univers entier. Dans Modus Operandi, parce que le public est libre de circuler dans l’espace de jeu, il choisit l’angle de vue qui lui semble idéal. Plongé dans l’inconnu qu’est cet instant du passage de la vie à la mort, il choisit la manière avec laquelle il veut appréhender le mystère de l’être humain, de son existence et de son retour à la terre. Qu’avons-nous été, sinon ce tas de chair né poussière et redevenu poussière ?
La marionnette de mousse représente, au premier abord, ce corps inerte qu’est l’être humain lorsque la machinerie qui servait à le tenir en vie s’éteint. Dans une danse burlesque, les deux représentants du monde médical malmènent le pantin. Certaines parties de leur corps, rendues saillantes par le biais d’accessoires en papier mâché, font l’effet d’excroissances et brouillent la limite entre l’animé et l’inanimé. Alors que ces éléments déshumanisent le médecin et son assistante, le tas de mousse qu’est la marionnette semble prendre vie. En effet, les comédiens Virginie Hugo, José-Manuel Ruiz et Danièle Chevrolet réussissent à lui inculquer un souffle, une attitude humaine, en particulier dans les moments où ils le manipulent avec une grande délicatesse. Ainsi, dans ses yeux immobiles et exorbités, le spectateur décèle une âme.
La marionnette se met à nu devant le public, lui donnant à voir ses souvenirs d’antan. Ce n’est pas toute sa vie qui défile devant ses yeux, mais un élément : une paire de chaussures rouges. Un détail, a priori, mais qui entraîne la mise en scène de moments clés de sa vie : des jambes affolées courant dans les airs, en direction d’une robe qui virevolte comme par magie, un Noël joyeux représenté par un sapin miniature et un jeu de marelle qui tourne court, souvenir d’enfance traumatisant. Tous ces éléments prennent vie à travers des objets de tailles variées, ce qui permet au spectateur d’adopter différentes échelles de perception.
L’émotion de ce spectacle passe non seulement par les images mais aussi par la musique. La Cie Héros Fourbus collabore depuis 2009 avec Françoise et Stéphane Albelda. Les membres du groupe Hugo, avec leurs morceaux rappelant l’univers de Yann Tiersen, entraînent les spectateurs hors de la salle au goût de métal, dans le monde des souvenirs d’enfance. Couplée à la performance du percussionniste Rafael Gunti, la musique joue aussi un rôle dans la rythmique du spectacle, mettant en relief les divers moments clés.
Par Sabrina Roh
Une critique du spectacle :
Modus Operandi / par la Cie Héros Fourbus / conception et mise en scène Danièle Chevrolet et José-Manuel Ruiz / Petithéâtre de Sion / du 15 au 25 mai 2014 / plus d’infos
La Cie Héros Fourbus propose une incursion dans le monde aseptisé de la salle d’autopsie et dans les mystères de l’être humain. Modus Operandi souligne la dure réalité de la mort en pointant la nostalgie du passé. Un spectacle poétique et émouvant, joué en ce moment au Petithéâtre à Sion.
Dans un rectangle blanc délimité par des bâches en plastique qui floutent le monde environnant, une vingtaine de spectateurs tentent de choisir la place idéale. Que va-t-il arriver, quand et de quel côté ? Rien ne l’indique. Seule gît, au milieu de la pièce, une marionnette sur un lit d’hôpital. Son torse se soulève imperceptiblement au rythme de sa respiration.
Dans Modus Operandi, le public est invité à suivre l’autopsie d’un homme. Parce que la machine qui le maintenait en vie a été débranchée malencontreusement par le concierge de l’établissement, l’alarme se met en route. Arrive alors une infirmière au comportement bipolaire : tantôt elle arrache les fils et les sondes sans grande précaution, tantôt elle caresse avec des gestes d’une extrême douceur la marionnette. Le médecin chef et elle commencent ensuite une dissection à la scie et à la pince. De l’homme mort, cependant, ne sortiront pas seulement des boyaux et autres organes, mais aussi des souvenirs. La Cie Héros Fourbus, composée de Danièle Chevrolet et José-Manuel Ruiz, propose depuis 2007 des spectacles de marionnettes tout public et d’autres pour adultes. A chaque fois, à partir de textes originaux ou d’adaptations, ils créent un univers entier. Dans Modus Operandi, parce que le public est libre de circuler dans l’espace de jeu, il choisit l’angle de vue qui lui semble idéal. Plongé dans l’inconnu qu’est cet instant du passage de la vie à la mort, il choisit la manière avec laquelle il veut appréhender le mystère de l’être humain, de son existence et de son retour à la terre. Qu’avons-nous été, sinon ce tas de chair né poussière et redevenu poussière ?
La marionnette de mousse représente, au premier abord, ce corps inerte qu’est l’être humain lorsque la machinerie qui servait à le tenir en vie s’éteint. Dans une danse burlesque, les deux représentants du monde médical malmènent le pantin. Certaines parties de leur corps, rendues saillantes par le biais d’accessoires en papier mâché, font l’effet d’excroissances et brouillent la limite entre l’animé et l’inanimé. Alors que ces éléments déshumanisent le médecin et son assistante, le tas de mousse qu’est la marionnette semble prendre vie. En effet, les comédiens Virginie Hugo, José-Manuel Ruiz et Danièle Chevrolet réussissent à lui inculquer un souffle, une attitude humaine, en particulier dans les moments où ils le manipulent avec une grande délicatesse. Ainsi, dans ses yeux immobiles et exorbités, le spectateur décèle une âme.
La marionnette se met à nu devant le public, lui donnant à voir ses souvenirs d’antan. Ce n’est pas toute sa vie qui défile devant ses yeux, mais un élément : une paire de chaussures rouges. Un détail, a priori, mais qui entraîne la mise en scène de moments clés de sa vie : des jambes affolées courant dans les airs, en direction d’une robe qui virevolte comme par magie, un Noël joyeux représenté par un sapin miniature et un jeu de marelle qui tourne court, souvenir d’enfance traumatisant. Tous ces éléments prennent vie à travers des objets de tailles variées, ce qui permet au spectateur d’adopter différentes échelles de perception.
L’émotion de ce spectacle passe non seulement par les images mais aussi par la musique. La Cie Héros Fourbus collabore depuis 2009 avec Françoise et Stéphane Albelda. Les membres du groupe Hugo, avec leurs morceaux rappelant l’univers de Yann Tiersen, entraînent les spectateurs hors de la salle au goût de métal, dans le monde des souvenirs d’enfance. Couplée à la performance du percussionniste Rafael Gunti, la musique joue aussi un rôle dans la rythmique du spectacle, mettant en relief les divers moments clés.